Amour ha pouuoir sur les dieus, Mais il ne peult rien sur fortune, Que de ses faits iniurieus, Tousiours l'offense est importune: Las outre sa façon commune, Elle espreuue en moy sa rigeur: Au monde il n'en fut iamais vne Viuante en pareille langeur. A peine pourrois-ie porter Le tournement d'une brieue absence, Lors que souuent reconforter Me souloit l'aimée presence: Or voy par dure experience Tout mon bien & ioye asseruie, Loing d'espoir d'aucune alegence, Pensez que peult estre ma vie. |
Si esperer il m'est permis En dieu est toute mon attente, Et au prince en qui seul est mis Ce qui me peult rendre contente. Mais sans fin me semble l'attente, Et iamais n'y pense auenir, Tant ie trouue tardiue & lente L'heure de mon bien auenir. Tout espoir est entrelassé D'une foible & douteuse crainte, Et souuent il est effacé Par elle & sa dure contrainte: Helas ie sens en moy estainte La force de mon esperer, La peur me reste au cœur emprainte, Pour sans cesse me martyrer. |
Ie le voy bien souuent en songe, Mais brief & faus est ce plaisir, Soudain me fuyt ceste mensonge, Et tourne mon iuste desir: Puis le vray dueil me vient saisir, Elongnant toute fiction, Qui peult donner quelque loisir, Et treue à mon affliction. Desormais suis sans esperance Ormis de peine & de douleur, Et de voir la perseuerance De mon trop obstiné malheur, Mon œil triste & palle couleur, Sont au monde assez manifeste, Que serue voyant sa valeur, Rien qu'ennuy mortel ne me reste. |
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