Maintenant c'est vn cas estrange De vouloir garder loyauté: Il vaudroit mieux aller au change A qui veult viure en liberté. Au temps de ma ieune ignorance I'en auoye vne seulement, Et croyoye par folle asseurance Seul en auoir contentement. O sotte & lourde fantasie De se vouloir approprier Chose fugette à frenesie, Aussi soimesme se lier. Qui pense garder qu'une femme N'aille par tout à l'abandon, Il se rompt en vain corps & ame, C'est de sa paine le guerdon. S'elle ha vn amy d'auenture, Tantost il sera degetté: Car elle n'ha rien de nature Qu'inconstance & legereté. Quand elle sera d'un contente, L'ordre du ciel se changera: La grand mer sera sans tourmente, Le clair soleil plus ne luyra. |
On verra d'amytié paisible Brebis & loups se frequenter: Brief, l'impossible estre possible, Auant qu'on la voye arrester. Quand ie pense à mon grand martyre, Et au discours du temps passé, Ie ne me puis garder de rire, De m'estre veu si insensé. Quantesfois maudissant ma vie Perdant le boire & le manger Ay-ie eu de la mort enuie Pour mieux de l'amour m'estranger. Quantesfois de nuict par la rue Ay-ie chanté mainte chanson Dessus vn pied faisant la grue, Roide de froid comme vn glaçon. Quantesfois criant à la porte, Comme s'elle m'eust entendu: Et la baisant en mainte sorte, Ay-ie quasi l'esprit rendu. |
Et tandis qu'ainsi pour la belle Ie faisoye regrets douloureux, Vn autre couchoit auec elle, Plein de passetemps amoureux. Elle prenant ioye infinie D'ainsi me voir morfondre en bas, Au son de ma triste armonie R'enforsoye leurs plaisans combats. Puis quand ie luy disoye mes plaintes Du grand tort qu'elle me faisoit, Par pleurs & par larmes faintes Mon courroux soudain appaisoit. Et combien que i'eusse memoire D'auoir veu l'autre qui sortoit, Elle me contraignoit de croire Le contraire, & me contentoit. Tant que ie disoye c'est vn songe, Qui m'ha deceu & abusé: Ce que i'ay dit n'est que mensonge, Donc ayez moy pour excusé. &c. |
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