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Adrian le Roy

SECOND LIVRE DE GVITERRE

1555

 

1. Laissez la verte couleur.

Laissez la verte couleur,
O princesse Cytherée,
Et de nouuelle douleur
Vostre beauté soit parée.

Pleurez le fils de Myrrha,
Et sa dure destinée:
Vostre œil plus ne verra,
Car sa vie est terminée.

Venus à ceste nouuelle
Remplit toute la vallée
D'une complainte mortelle,
Et au lieu s'en est allée,

Ou le gentil Adonis
Estendu sur la rosée,
Auoit ses beaux yeux ternis,
Et de sang l'herbe arrousée.

Dessous vne verte branche
Auprès de luy s'est couchée,
Et de sa belle main blanche
Sa playe luy ha touchée.
O nouuelle cruauté
De voir en pleurs si bagnée
La deesse de beauté,
D'amy mort acompagnée !

L'un est blessé & tranfix
Aux flans par beste insensée,
Et l'autre l'est de son fils
Bien auant dens la pensée.

Mais l'un sa playe ne sent,
Personne ia trespassée,
Et l'autre ha le mal recent
De sa douleur amassée.

Toutesfois de mort attaint
Il n'ha de rien empirée
La grand beauté de son taint,
Des Nymphes tant desirée.

Mais comme vne rose blanche
De poignante ongle touchée
Ne peult tenir sur la branche,
Et sur vn'autre est couchée.
Ainsi le piteux amant
Tenoit sa teste appuyée,
Comme il souloit en dormant,
Sur sa maistresse ennuyée.

Et ne fut le sang qui sort
De la partie entamée,
Elle penseroit qu'il dort,
A sa grace tant aimée.

Autant de sang qu'il espand
Dessus l'herbe coulourée,
Autant de larmes respand
La poure amante esplorée.

Le sang rougit mainte fleur,
Qui blanche estoit au tour née,
Et mainte est de large pleur,
En couleur blanche tournée.

Ce taint leur demourera,
Pour enseigne de durée,
Tant que le monde sera
De leur grand peine endurée. &c.

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